ACTAR-TPC: Photographier les réactions nucléaires pour mieux les comprendre
Faire une photo en haute définition des réactions nucléaires est maintenant possible avec le nouveau détecteur ACTAR TPC (ACtive TARget Time Projection Chamber) développé au GANIL dans le cadre d’une collaboration internationale. Le dispositif ACTAR TPC remplit deux fonctions simultanément : celle de cible et celle de détecteur. En effet, le gaz dont il est rempli constitue la cible de matière avec laquelle interagit le faisceau d’ions incident. Par ailleurs, l’ionisation de ce même gaz, par les ions projectiles et par les particules produites lors des collisions nucléaires, permet de visualiser leurs trajectoires en trois dimensions et donc de « voir » la dissociation des noyaux atomiques impliqués dans la collision. L’électronique développée et dédiée spécifiquement à ce type de détecteur, associée à un nombre de voies très important, permet de reconstituer très précisément ces trajectoires grâce à l’acquisition de quelques 8 Méga Voxels (éléments de volume) jusqu’à 100 fois par seconde. En novembre 2017, ACTAR-TPC a passé avec succès les tests sous les faisceaux du GANIL et sera donc utilisé lors de la campagne d’expériences 2018 au GANIL.
Pour la première fois en 2017, la version finale du détecteur ACTAR-TPC a été installée sur une ligne de faisceau du GANIL afin de réaliser une expérience de test. Cette expérience a consisté en l’envoi d’un faisceau d’oxygène sur un gaz d’isobutane pur à basse pression. Lors des réactions entre le faisceau et la cible gazeuse, de nouvelles particules peuvent être produites. En reconstituant leurs trajectoires en 3D ACTAR-TPC permet aux chercheurs de les identifier, de les caractériser et de recueillir de nouvelles informations sur les phénomènes en jeu.
Les trajectoires sont reconstruites grâce aux électrons générés par les particules lors de l’ionisation du gaz. La troisième dimension est obtenue par la mesure du temps de dérive des électrons, depuis le point où ils ont été générés jusqu’au plan du détecteur collectant les charges. Le dispositif fonctionne ainsi comme une « chambre à projection temporelle » (Time Projection Chamber » ou TPC en anglais).
Les électrons sont ensuite collectés sur un plan pixellisé recouvert d’un détecteur Micromegas qui augmente le nombre d’électrons afin d’en améliorer la détection. La faible densité des cibles gazeuse permet de « voir » des produits de réaction de faible énergie tout en garantissant un taux de réaction important de par leur grande profondeur. Ce détecteur est donc particulièrement adapté à l’étude de noyaux radioactifs produits en faible quantité. Si le principe de fonctionnement du dispositif est similaire à celui de détecteurs déjà exploités avec succès au GANIL par le passé (cible active MAYA ou le prototype de ACTAR), la particularité du dispositif ACTAR TPC est d’offrir une meilleure résolution dans la reconstruction des trajectoires et dans l’identification des produits de réaction. Les pixels du plan de détection sont des carrés de 2 mm de côté répartis sur une surface de 25,6×25,6 cm2, pour un total de 16 384 voies de détection. Il devrait ainsi permettre d’étudier avec beaucoup plus de précision qu’auparavant les mécanismes de réaction nucléaire (transfert de nucléons, fission, fusion-évaporation…), ainsi que la structure du noyau par l’étude de tous les produits de réaction.
Dans le futur…
Ce premier test confirme le bon fonctionnement du détecteur. Quatre expériences sont d’ores et déjà prévues au GANIL avec l’étude de la décroissance 2‑protons (phénomène rare) du 54Zn ou encore de la structure du 19Ne (noyau d’intérêt astrophysique).
Organisation du projet ACTAR TPC
ACTAR-TPC est financé dans le cadre d’un programme européen de soutien à la recherche appelé ERC (European Research Council), suite à dossier de financement déposé en 2014.
Porté par le GANIL, ACTAR TPC associe des chercheurs et des ingénieurs de différents laboratoires français (Centre d’Etudes Nucléaires de Bordeaux-Gradignan) et étrangers (université K.U. Leuven en Belgique et Université de Santiago de Compostella en Espagne).
L’électronique a quant à elle été développée au sein du projet GET qui a été financé par une bourse ANR (financement de l’Agence Nationale de le Recherche) jusqu’en 2015. ACTAR TPC a profité de ce développement dédié aux systèmes à grand nombre de voies de détection.
Liens
GANIL ACTAR TPC News
GANIL MAYA
ALERT: un détecteur pour mieux comprendre l’interaction forte dans les noyaux
L’objectif de la collaboration ALERT (A Low Energy Recoil Tracker ) est de construire un détecteur pour mieux comprendre l’interaction forte dans les noyaux. ALERT a pour objectif d’étudier plusieurs aspects de la force forte, en particulier celui appelé “effet EMC”, qui fut découvert il y a maintenant plus de 30 ans et dont l’origine reste un mystère aujourd’hui. Afin d’étudier cette force, nous utilisons le faisceau d’électrons de haute énergie du laboratoire Jefferson Laboratory aux USA (~11 GeV), ainsi qu’un grand nombre de détecteurs pour mesurer le résultat des collisions entre ce faisceau et une cible d’hélium. La collaboration ALERT développe un détecteur innovant en complément des équipements existants du Jefferson Laboratory, en particuliers le détecteur CLAS12. Le détecteur ALERT est un trajectographe de noyaux recul de faible énergie. Il permettra de détecter et identifier les noyaux légers jusqu’à l’hélium‑4.
Le design et la construction du spectromètre ALERT présente plusieurs défis. Il est en effet constitué de deux détecteurs complémentaires. Le premier, une chambre à dérive parabolique, qui mesure la trajectoire des particules et dont la conception est dirigée par les équipes de l’IPN d’Orsay. Le second, qui mesure le temps d’arrivée des particules, est un réseau de scintillateurs. Son développement est géré par un groupe du laboratoire national d’Argonne (ANL) aux USA. En combinant les informations de ces deux détecteurs, il est possible de déterminer quelle particule a traversé le détecteur ainsi que sa position, son énergie et son angle d’émission.
La photo ci-dessus présente l’un des premiers prototypes de la chambre à dérive qui sert à vérifier le design mécanique et est également utilisé pour valider les performances du détecteur. Le prototype permet par exemple de répondre aux questions suivantes : les simulations sont-elles correctes ? Sommes-nous capables d’assembler un tel détecteur ? Quelle est la durée de vie du détecteur ?