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Talents du CNRS à l’IN2P3
Laurent Pinard
Talent du CNRS 2018
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Laurent Pinard est Ingénieur de Recherche CNRS au sein du Laboratoire des Matériaux Avancés (LMA) de Lyon depuis 1989, laboratoire de renommée mondiale dans le domaine des couches minces optiques faibles pertes sur des composants de grandes dimensions. Il dirige l’équipe Métrologie, a été Directeur Technique pendant 10 ans avant de prendre la Direction du LMA par intérim depuis peu. Il est lauréat de la Médaille de Cristal du CNRS 2018.
Une couche mince (en anglais : thin film) est un revêtement dont l’épaisseur peut varier de quelques couches atomiques à une dizaine de micromètres. Ces revêtements modifient les propriétés du substrat sur lesquels ils sont déposés. Ils sont principalement utilisés :
- dans la fabrication de composants électroniques telles des cellules photovoltaïque en raison de leurs propriétés isolantes ou conductrices ;
- pour la protection d’objets afin d’améliorer les propriétés mécaniques, de résistance à l’usure, à la corrosion ou en servant de barrière thermique. Il s’agit, par exemple, du chromage ;
- pour modifier les propriétés optiques d’objets. En particulier, citons les revêtements décoratifs (exemple de la dorure) ou modifiant le pouvoir réflecteur de surfaces (verres anti-reflets ou miroirs).
Les couches minces étant des nano-objets dans une direction de l’espace, les propriétés physiques et chimiques des couches minces peuvent différer de celles des objets macroscopiques selon toutes leurs dimensions. Par exemple, un matériau isolant lorsqu’il est de dimensions macroscopiques peut devenir conducteur électrique sous forme de couche mince du fait de l’effet tunnel.
Historiquement, les premières couches minces ont été réalisées par voie humide grâce à une réaction chimique menant à la précipitation de précurseurs en solution sur un substrat. On peut citer dans ce cas la formation du miroir d’argent par la réduction d’ions Ag+ (par exemple solution de nitrate d’argent AgNO3) par des sucres.
Le LMA a depuis l’origine développé des recherches innovantes sur les matériaux en couches minces en lien avec des industriels, les militaires ou les grands projets scientifiques comme Virgo (détecteur d’ondes gravitationnelles) (voir article sur l’optique au coeur de Virgo). Ces projets extrêmement innovants a fortement motivé Laurent Pinard à rester au LMA alors que sa formation initiale d’ingénieur Opticien (Sup’Optique) ne l’y prédisposait pas et sur cette dynamique a soutenu une thèse de doctorat dans le domaine des couches minces en 1993.
La vidéo ci-dessous permet d’explorer l’ensemble du processus
de réalisation de ces miroirs aux caractéristiques uniques.
Son activité s’est naturellement centrée sur l’expérience Virgo et, plus particulièrement, sur les métrologies optiques nécessaires, souvent uniques, pour tester les performances des miroirs au LMA.
La métrologie, au même titre que la réalisation des dépôts, est une étape clé dans la réussite d’un composant optique impliquant sa mise en place sur le site même de production des couches minces.
Laurent Pinard a développé tous les outils nécessaires à la caractérisation des couches minces faibles pertes à 1064 nm sur des composants de grande taille (diamètre 350 mm, épaisseur 100 mm, poids 20 kg), compatibles avec l’environnement salle blanche de classe 1. Il a pris également une part importante dans le développement des matériaux faibles pertes. Ces travaux lui ont d’ailleurs permis d’obtenir le Prix du Jeune Chercheur de la Ville de Lyon en 1996.
Le LMA étant membre de la collaboration Virgo depuis l’origine du projet, son activité a continué à être centrée sur le développement de matériaux en couches minces répondant aux besoins des détecteurs d’ondes gravitationnelles. Il a participé activement à la mise en place de l’infrastructure nécessaire à Lyon : nouveau bâtiment abritant une salle blanche ISO3, nouveau bâti de dépôt IBS de très grande taille (le plus grand du monde), des bancs de métrologie.
Grace à tous ces équipements rendus opérationnels les miroirs de 1ère génération de Virgo ont ainsi été réalisés avec succès ce qui fut une première mondiale (voir photos des équipements ci-dessous au LMA).
Laurent Pinard a ensuite pris la responsabilité de manager du sous-système « Miroirs » dans le projet Advanced Virgo pendant 7 ans coordonnant au LMA le développement des miroirs de 2ème génération des interféromètres LIGO et Virgo, ces derniers ayant des spécifications jamais obtenues jusqu’ici, en particulier en termes de planéité. L’aboutissement de ce travail d’équipe débuté il y a plus de 20 ans fut la 1ère détection des ondes gravitationnelles en 2015 par les interféromètres américains LIGO mais également la détection conjointe LIGO-Virgo d’ondes gravitationnelle émises par la fusion de deux étoiles à neutrons en 2017. Ces résultats ont également permis aux fondateurs de LIGO d’obtenir le prix Nobel de Physique en 2017.
Mais cette recherche innovante appliquée à des grandes optiques a trouvé un autre champ d’application dans le domaine des télescopes terrestres. Laurent Pinard a mis en place une collaboration entre l’industriel américain ZYGO et l’institut allemand Kiepenheuer Institute for Solar Physics (KIS) (Voir article le LMA à l’honneur) pour développer des étalons Fabry-Perot de grandes dimensions (diamètre 35 cm) aux performances jamais atteintes au niveau planéité pour l’expérience VTF (Visible Tunable Filter) sur le télescope DKIST à Hawaï. Le 1er étalon a été réalisé avec succès : c’est le plus grand interféromètre Fabry-Pérot du monde.